jeudi 6 décembre 2012

Tragédie


Aux cieux, c’est ce jour l’alliance souveraine
D’un digne fils d’Eole, un fougueux Aquilon,
Avec la plus jeune des brises du domaine,
Héritière des Bises, altesse en sa région.

Son corset l’asphyxie, ses jupes la tourmentent ;
La promise est fébrile et va porter sans cesse
Ses mains à son visage, à sa bouche tremblante,
Au collier qui rehausse son cou de princesse…

C’est un gage d’amour que ce bijou divin ;
Les perles sont en glace très pure, alignées
Sur trois rangs délicats d’un fil arachnéen,
Qu’elle harasse si bien qu’il vient à se briser !

Son cri désespéré poursuit la longue chute
Des gouttes ouvragées qui percent les nuages
Pour fondre sur le sol par milliers, et chahutent
Comme autant de piverts enhardis et sauvages.

Son hurlement d’effroi n’arrive pas à temps
Pour prévenir les hommes du drame éphémère ;
Car les grêlons, déjà, meurent en combattants
Sur les trottoirs si froids, sous ce coup de tonnerre.

samedi 15 septembre 2012

Promenade


Flânant dans les allées paisibles d’un jardin
Dont les hôtes dormaient sous un linceul glacé,
Un couple d’âge mûr devisait du passé :

« Je n’ai pas eu d’enfant, car j’ai eu un miroir !
Un beau portrait vivant, à mon exacte image,
Un double aussi sublime et radieux qu’un mirage ;
Quand il se brisa, je le laissai au tiroir. »

« Je n’ai pas eu d’enfant, car j’ai eu un insigne !
Premier prix exposé dans ma vaste vitrine,
Parmi les trophées, dans un écrin de feutrine ;
Je l’oubliai dans l’ombre quand il fut indigne. »

Ainsi, au fil des cordes plongeant dans la terre
Glissaient les paroles des époux solitaires,
S’éloignant du cercueil d’un enfant anodin.


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lundi 30 juillet 2012

Rêve-moi seulement


Retiens-moi prisonnière de tes doigts agiles,
Petite fée gracieuse, légère et fragile,
Et je m’insinuerai sous tes ongles polis
Comme un poison insidieux de mélancolie.

Respire-moi longtemps par ta bouche accueillante,
Petite fumée blanche, aérienne et piquante,
Et j’envahirai tout, ta gorge et ta poitrine,
Ne laissant dans ta voix qu’une inflexion chagrine.

Observe-moi briller à travers ton regard ,
Petite flamme douce, ardente à ton égard ;
Et je te charmerai par mes allures tendres
Pour brûler ton âme jusqu’à l’état de cendre.

Ecoute-moi chanter en notes cristallines,
Petite mélodie innocente et câline,
Et ma voix hantera tes pensées et tes rêves
Harcelant ton esprit infiniment, sans trêve.

Je dévore la moelle des cœurs, et leur crème,
Affamée de conscience et de pensées extrêmes,
Malgré les défenses, franchissant les grillages,
Un parfum d’absolu trainant dans mon sillage…

dimanche 29 avril 2012

Fable : L'Oiseau chez les Écureuils


Il était une fois, dans un arbre sans feuille,
Un oisillon sans plume échoué sur une branche.
Il se sentait faible, sa peau devenait blanche,
Quand il tomba soudain dans un nid d’écureuils.

Il rencontra céans un couple de rouquins
Qui se désespérait de n’avoir de petit.
Aussitôt, dans leurs bras, l’oisillon se blottit ;
Et le nouveau foyer remercia le destin.

Les ravissants rongeurs élevèrent l’oiseau
Comme ils l’auraient fait pour tout petit ordinaire.
Il devint, pour leur joie, l’écureuil exemplaire,
Qu’ils avaient voulus dans leurs rêves les plus beaux.

L’oiseau semblait heureux dans la communauté
D’écureuils dans laquelle il vivait, simplement.
Mais il pensait parfois, sans trop savoir comment,
Au ciel et aux nuages, qu’il voulait visiter…

Ses compagnons de branches ne comprenaient pas
Qu’un arbre ne suffise à combler ses désirs ;
Ils disaient que l’écorce était le seul plaisir
A chercher en ce monde, et ce jusqu’au trépas.

Il prit de plus en plus conscience de ses ailes,
Du poids qu’elles pesaient sur son corps et son âme ;
Un jour qu’il ne pouvait plus ignorer ce drame,
L’oiseau les déploya, et s’appuya sur elles…

Nul ne sait si l’oiseau s’éleva dans les airs
Ou s’il chuta au sol ; jamais il ne revint.
Qu’elle qu’ait été l’issue, cela ne fut pas vain ;
Il était libéré de sa vie de misère.

lundi 5 mars 2012

Transparent

Elle accroche à sa bouche des mots ciselés,
Comme autant de bijoux sur sa gorge effilée
De môme médiocre, qui aimerait éclore ;
Quelques-uns la méprisent, le reste l’ignore.

Elle orne de dentelles ses moindres tournures,
Comme elle dissimule les égratignures
Sur ses genoux ingrats qui souvent se dérobent
Par des broderies fines, au bas de ses robes.

Elle farde ses paroles comme son image,
Assurant sa survie pendant qu’elle ravage
Son âme, proie de son paradoxe aberrant ;
Importer en ce monde en étant transparent.

dimanche 22 janvier 2012

Enjoy The Silence

Étouffant doucement, d’une habile caresse,
Le conciliabule des pensées harassantes
Qui s’imposaient à moi en hordes oppressantes,
Tu m’apprends pas à pas une nouvelle ivresse.

Endiguant mes palabres d’un baiser léger
S’opposant à leur flot pourtant exubérant,
Tu laisses la parole à nos cœurs assiégés
Qui conversent au rythme de leurs battements.

D’un geste, d’un regard, tu m’indiques la voie
D’une extase inconnue, que j’ignorais alors ;
On avait oublié de me laisser sans voix
Dans le tourbillon fou d’une enfance sonore.